La République démocratique du Congo (RDC), avec le soutien de la Banque mondiale, propose de développer le projet d’Inga 3 qui comprend un barrage et une centrale hydroélectrique de 4 800 MW situés sur les chutes d’Inga du puissant fleuve Congo. Le barrage hydroélectrique d’Inga 3 BC est la première phase de la construction du projet hydroélectrique du Grand Inga, situé à 225 km de Kinshasa et à 150 km en amont de l’embouchure du fleuve Congo dans l’océan Atlantique. Le projet Grand Inga aurait une capacité de production de 40 000 MW et serait développé en sept phases, en commençant par Inga 3, lui-même composé de deux phases. Ses deux étapes déplaceraient environ 35 000 personnes (10 000 pour Inga 3 «Basse Chute» et 25 000 pour Inga 3 «Haute Chute»).
Le projet de construction du barrage hydroélectrique Inga 3 est envisagé depuis le début des années 1950. Depuis lors, les développeurs de différents pays ont exprimé leur intérêt pour la mise en œuvre du projet notamment des investisseurs et des entreprises françaises, belges, chinoises, brésiliennes et africaines. En 1972 et 1982, le gouvernement Mobutu de la République Démocratique du Congo, alors appelé le Zaïre, a construit les centrales hydroélectriques d’Inga 1 et 2, ayant une capacité de production potentielle totale de 2 132MW. Malheureusement, ces deux centrales n’ont jamais fonctionné à pleine capacité. En 2013, les barrages n’ont produit que 40% de leur capacité.
À la fin de la guerre civile en RDC et de l’accord de paix de 2003, le pays a relancé ses plans de construction d’Inga 3. En 2004, le Western Power Corridor (Westcor), un consortium de compagnies nationales de cinq pays d’Afrique australe et centrale (Angola, Botswana, Namibie, Afrique du Sud et République démocratique du Congo) ont organisé et signé un protocole d’entente avec le gouvernement de la RDC pour la construction d’Inga 3, et la distribution de son électricité à tous les pays signataires par l’intermédiaire du Pool énergétique d’Afrique australe (SAPP).
En 2009, la RDC s’est retirée de Westcor et a tenté de faire cavalier seule dans le projet. Son premier pas a été de lancer des appels d’offres pour le développement d’Inga 3 avec des entreprises privées. La société minière internationale BHP Billiton a remporté l’appel d’offre, avec sa proposition de développer Inga 3 ainsi qu’une fonderie d’aluminium de 2 000 MW à proximité de la centrale hydroélectrique. Lorsque BHP Billiton s’est retiré de l’accord en 2012, la RDC a à nouveau regardé ailleurs. La Banque mondiale et d’autres institutions financières sont montées à bord en mai 2013, promettant d’offrir des financements pour Inga 3. Dans le cadre de cet accord, l’Afrique du Sud s’est engagée à acheter 2 500 MW sur les 4 800 MW devant être générés. Un traité scellant cet accord a été conclu en octobre 2013 et ratifié par la RDC en 2014, faisant de l’Afrique du Sud le principal acheteur de l’électricité d’Inga 3.
Après le retrait de BHP Billiton, la RDC a commandé de nouvelles études de faisabilité financées par la Banque africaine de développement. Ces études ont recommandé une nouvelle conception du barrage, afin que le nouveau projet hydroélectrique d’Inga 3 ne bloque pas le cours principal du fleuve, mais le détourne vers la vallée de la Bundi par un canal ouvert de 12 km avec un débit moyen de 6 000 m3/seconde. La dérivation serait située en amont des ouvrages de prise d’eau d’Inga I et 2. A la fin du canal, un barrage de 145 m de haut et une centrale seront construits. Il y aura un petit réservoir derrière le mur du barrage.
Selon cette conception du projet, le mur du barrage sera dans un premier temps construit avec une hauteur limitée (Inga 3 Basse Chute) puis augmenterait lors de la phase suivante, inondant finalement 22 000 hectares de terre ainsi que le canal de dérivation original. L’écoulement des turbines rejoindra le fleuve Congo à environ 30 km en aval des chutes.
Inga 3 devrait coûter 14 milliards de dollars et générer 4 800MW une fois achevé. Le Grand Inga lui-même pourrait avoir une capacité de 40 000MW – équivalent à plus de 20 grandes centrales nucléaires. En plus de la construction du barrage et de la centrale hydroélectrique d’Inga 3 d’ici 2022, le projet propose une ligne électrique qui s’étendrait sur plus de 5 000 km jusqu’en Afrique du Sud en passant par la Zambie et la Namibie.
Le développement d’Inga serait mis en œuvre par un partenariat public-privé (PPP). La Banque africaine de développement, la Banque mondiale, l’Agence française de développement, la Banque européenne d’investissement et la Banque de développement d’Afrique du Sud ont tous manifesté leur intérêt pour le financement d’Inga 3. En décembre 2013, Les États-Unis par l’intermédiaire de l’USAID, son agence de développement, ont également exprimé leur souhait de contribuer au financement d’Inga 3. À l’heure actuelle, aucun développeur n’a été choisi, mais les entreprises chinoises, coréennes et espagnoles seraient en tête de l’appel d’offres lancé par le gouvernement de la RDC.
Le développement de ce projet hydroélectrique soulève un certain nombre de préoccupations. Premièrement, la production d’Inga 3 est principalement destinée à l’industrie et n’améliorera pas le niveau d’accès à l’électricité pour plus de 90% de la population de la RDC qui en est dépourvue. Sous les plans actuels, la perspective pour les populations locales de bénéficier de l’énergie d’Inga dans les 20 années à vénir reste incertaine. La majeure partie de l’énergie d’Inga 3 parcourra des milliers de kilomètres vers les centres industriels et urbains d’Afrique du Sud, ainsi que vers les grandes mines de la RDC, contournant les Congolais qui ne sont pas desservis par le réseau électrique limité du pays.
La République démocratique du Congo (RDC) a subi des décennies de guerre civile, au cours de laquelle la corruption s’est enracinée dans le tissu socio-économique de la nation. A de nombreux égards, le pays a acquis une réputation d’état défaillant. Il est triste de constater que de la même manière, Inga 3 pourrait devenir une grande infrastructure de faux idéaux. Les gens devront être déplacés et les terres agricoles de la vallée de la Bundi seront perdues. Le modèle de développement du projet n’essaye pas de répondre aux attentes de la population. Au contraire, le projet ne fera qu’augmenter le fardeau de la dette nationale, avec de très fortes chances de favoriser la corruption et de permettre à de puissantes entreprises d’exploiter et d’exporter à bon marché les vastes ressources naturelles de l’Afrique. D’importantes recherches effectuées dans le monde entier ont montré que l’électrification par réseau électrique n’est pas rentable pour une grande partie de l’Afrique subsaharienne rurale où la densité de population est faible. Les solutions d’énergie renouvelable telles que les projets éoliens, solaires et micro-hydroélectriques sont beaucoup plus efficaces pour atteindre la population rurale pauvre.
Le gouvernement de la RDC et les partisans de ce barrage doivent examiner de manière critique leur rôle dans ce projet, promouvoir la transparence ainsi que le respect des normes internationales requises dans le développement de ce type de projets. La transparence, des engagements publics sincères et la mise en œuvre d’un scénario de développement énergétique qui réponde aux besoins du pays sont nécessaires.