Depuis plus de 30 ans, la disparition du Lac-Tchad – le quatrième lac d’Afrique après les lacs Victoria, Tanganyika et Nyassa – préoccupe les communautés nationales et internationales. Sa superficie a diminué de manière drastique, passant d’environ 25.000 km2 en 1973 à moins de 2.000 km² dans les années 1990, soit d’un état de grand lac à un petit lac, en quelques décennies seulement. Sa disparition est envisagée dans 50 ans. Plusieurs facteurs ont été avancés : l’évaporation, l’infiltration et la baisse de la pluviométrie due aux changements climatiques. Compte tenu de son importance capitale en matière socio-économique, notamment pour les pays de la sous-région (environ 38 millions d’habitants), un projet a été lancé : « Transaqua ». Il s’agit de la réalisation d’infrastructures permettant le transfert d’environ 100 milliards de m3 d’eau par an, sur un parcours de 2.500 km, depuis le fleuve Congo en République Démocratique du Congo. Mais s’est-on penché sur la sédimentarisation du fleuve Chari-Logone qui alimente le Lac-Tchad à hauteur de 95% ? A travers l’étude que nous publions, le Dr Mahamat veut sensibiliser la communauté internationale de l’importance de compléter le projet Transaqua par le désensablement du fleuve Chari-Logone et du Lac-Tchad lui-même afin de permettre et faciliter le transport des eaux de pluies du sud du Tchad et de la Centrafrique vers le lac mais également d’éviter une catastrophe humanitaire, car, sans désensablement, un territoire habité, très important, serait inondé. Le Dr MAHAMAT Nasser Hassane a occupé de hautes responsabilités comme ministre des Mines, de l’Energie et du Pétrole et conseiller du Chef de l’État.
Dans le milieu de la santé humaine, les médecins nous apprennent que : diagnostiquer exactement les symptômes d’une maladie d’un patient représente cinquante pour cent (50%) de son remède. La prescription et l’utilisation de médicament par le patient complètent juste le cinquante pour cent restant du traitement pour lui permettre de recouvrer sa santé. En d’autres termes, si le diagnostic est mal fait, alors, le médicament prescrit n’aura aucun effet sur la maladie, plutôt, cette dernière s’aggravera davantage jusqu’à ce que le patient s’éteint. Selon nous, cela est valable aussi pour le Lac-Tchad qui a une durée de vie limitée dans le temps comme toute autre créature ou objet. En effet, la population riveraine, les gouvernements des pays du bassin du Lac-Tchad et les différents experts scientifiques dans des divers domaines : géologues, hydrogéologues, géographes, topographes, environnementalistes, etc., observent avec amertume le rétrécissement rapide du Lac-Tchad. Dans très peu de temps, si ce phénomène n’est pas maitrisé, le Lac-Tchad disparaitra sans nul doute. Par conséquent, pour sauver le Lac-Tchad de cette disparition, on doit être en mesure de répondre avec exactitude, après un diagnostic approfondi, à la question suivante : de quoi souffre le Lac-Tchad ? Si cette condition est remplie, alors, sans risque de nous tromper, le Lac-Tchad sera sauvé. Mais, si les experts passent à côté dans leur diagnostic, alors, le Lac-Tchad aura le sort d’un patient dont la maladie est mal diagnostiquée.
Depuis plus de 30 ans, la disparition du Lac-Tchad qui préoccupait les communautés nationales et internationales était régulièrement annoncée par les médias, car la superficie de celui-ci a effectivement diminué de manière drastique, passant d’un état de grand lac à un petit lac en quelques décennies seulement. De telles fluctuations rapides sont déjà observées au cours des derniers siècles et sont liées à la forte variabilité climatique de l’Afrique tropicale, mais aussi d’autres facteurs que nous allons aborder plus en détail dans nos analyses.
En 1989, lors d’une conférence organisée par l’Université d’Al-Ain aux Emirats Arabes Unis, Dr Farouk Albaz, Directeur du Centre de la Télédétection de l’Université de Boston aux Etats-Unis d’Amérique a annoncé que, selon les observations et les analyses des données des photo-aériennes prises par des satellites, le Lac-Tchad disparaitrait très prochainement. Il est allé très loin dans sa déclaration en donnant même une estimation précise : dans cinquante (50) ans.
En effet, au cours de ces dernières années, la superficie du Lac-Tchad est passée d’environ 25.000 km2 en 1973 à moins de 2.000 km2 dans les années 19901 (Figure-1). Ce bassin est situé en Afrique centrale entre les 6° et 24° N et les 8° et 24° E. Il demeure le quatrième lac en Afrique après les lacs Victoria, Tanganyika et Nyassa. Son approvisionnement en eau dépend essentiellement du fleuve Chari-Logone provenant du plateau d’Adamaoua qui fournit environ 95% des eaux au Lac-Tchad et qui draine la République centrafricaine, le Cameroun et le Tchad (Figure-2). Le fleuve Komadugu-Yobé et ses attributaires drainent le Nigéria et le Niger, et apporte au Lac-Tchad moins de 2.5% des ressources en eau2. Dans la plupart des régions du bassin, le climat est chaud et sec. C’est un climat à dominance sahélien à subdésertique, où des pluies de mousson décroissent du sud vers le nord : moins de 100 mm par an au Nord du Tchad, en Libye et en Algérie, à 1.500 mm par an au sud du bassin – au Tchad et en République centrafricaine. Il n’y a pas de nappe d’eau libre permanent dans la partie septentrionale du Lac-Tchad depuis les années soixante-dix. La cuvette sud est dominée par des bancs des sables et de vastes strates herbacées qui tendent à recouvrir ce qui reste des eaux libres3.
Selon certaines études publiées par des experts en la matière, la superficie du Lac-Tchad se rétrécie sous l’effet des plusieurs facteurs que sont : l’évaporation, l’infiltration et la baisse de la pluviométrie. De même, la profondeur de l’ancien lac reconstituée atteignait 160 mètres, alors qu’aujourd’hui, elle est moins de 10 mètres. La population du bassin du Lac-Tchad a rapidement augmenté au cours de ces dernières décennies, avec un taux de croissance qui varie de 2.5% à 3%, en particulier dans la partie nord du bassin. La dernière estimation donne un chiffre d’environ 38 millions d’habitants, et probablement passera à 50 millions d’habitants en 2020.
Ayant constaté le rétrécissement rapide du Lac-Tchad, les Chefs d’Etats riverains de celui-ci à savoir le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigéria ont porté une structure de gestion de ce patrimoine, créée le 24 mai 1964 à Fort-Lamy (actuelle ville de Ndjamena). Elle est dénommée Commission du Bassin du Lac-Tchad. La République centrafricaine a rejoint en 1994 ces pays. De Même, la Libye a fait la même chose en 2007. Depuis sa création, la Commission du Bassin du Lac-Tchad s’est mise au travail pour chercher une solution au phénomène de rétrécissement, ou tout au moins ralentir celui-ci. Ce lac est en effet d’une importance capitale en matière des activités socio-économiques des pays de la sous-région dont la population riveraine totalise environ 38 millions, d’où la mise sur pieds du projet « Transaqua ».
La problématique du projet TRANSAQUA
D’après les archives que nous avons eu la chance de consulter, les experts nationaux des Etats membres de la Commission du Bassin du Lac-Tchad et ceux internationaux, et sur la base de leurs différentes études menées, estiment que trois facteurs : l’évaporation, l’infiltration et la baisse de la pluviométrie expliqueraient le phénomène de rétrécissement accéléré du Lac-Tchad observé depuis un certain temps. En d’autres termes, tout concourt à dire que le manque d’eau est à l’origine dudit rétrécissement. Ils se sont donc arrêtés à ces trois facteurs sans aller très loin afin de chercher, pourquoi pas, d’autres facteurs. Leur explication se limite au manque d’eau. Donc, il faudrait trouver des sources d’eau permettant au Lac-Tchad de retrouver sa superficie initiale, ou plus grande que celle d’aujourd’hui, qui garantisse le bien-être de la population riveraine du Lac-Tchad. C’était dans cet esprit que le projet Transaqua a vu le jour dans les années soixante-dix.
Le projet Transaqua, de quoi s’agit-il ?
Transaqua est un projet de réalisation des infrastructures permettant le transfert d’eau d’environ 100 milliards de m3 par an, sur un parcours long de 2.500 km, depuis le fleuve Congo en République Démocratique du Congo vers le Lac-Tchad afin de remplir ce dernier en voie de disparation4i. Beaucoup d’études de faisabilité ont été menées depuis lors. Malgré les campagnes de sensibilisation menées par la Commission du Bassin du Lac-Tchad et par les Chefs d’Etat membres au cours des différentes rencontres bilatérales et multilatérales, le projet Transaqua n’arrive pas à attirer l’attention des bailleurs de fonds pour son financement par soit de subventions ou de prêts. Si tel est le cas, l’on est en droit de douter de sa faisabilité technique et économique.
De même, l’on peut poser la question de savoir le projet Transaqua est-il faisable, fiable et solution idoine pour résoudre le phénomène du rétrécissement du Lac-Tchad ? La disparition des anciens lacs et la mise en place de nouveaux lacs sont des phénomènes géologiques classiques observés tout au long de l’histoire de la terre.
La disparition des anciens lacs et fleuves a d’autres raisons que le manque d’eau
On trouve des roche-mères lacustres avec des hydrocarbures d’origine organique lors de l’exploration pétrolière à une profondeur qui va jusqu’à 4.000 et 6.000 mètres. Puis, celles-ci sont couvertes par des roches réservoirs plus poreuses constituées généralement de sables consolidés ou non consolidés apportés soit par les systèmes de drainage des eaux dans les lacs ou par les vents. Tantôt, ces roche-mères sont couvertes de calcaires ou de sels issus de processus d’évaporation. Cela prouve que la surface de la terre, à un moment donné, était jusqu’à ces profondeurs. Donc, la topographie de la terre, sous l’effet du changement climatique, changeait au fil du temps, et change encore aujourd’hui. On trouve de même des dépôts continentaux sur les anciens lacs apportés par des canaux qui constituaient des anciens fleuves. On peut citer par exemple le fleuve Chari. Ce fleuve commence son parcours depuis la République centrafricaine en passant par le sud du Tchad et en allongeant la frontière Cameroun et N’Djamena capitale du Tchad jusqu’au Lac-Tchad, sur une distance d’environ 1.400 km5. Par le passé et jusqu’aux années soixante, ce fleuve était toujours utilisé pour le transport des biens et des personnes entre villes et villages. Mes parents m’ont rapporté que les gens à l’époque partaient depuis Fort-Lamy (actuelle ville de N’Djamena) jusqu’à Fort-Archambault (actuelle ville de Sarh) au sud du Tchad par le fleuve Chari. Mais aujourd’hui, on ne peut plus naviguer depuis N’Djamena jusqu’à Sarh par ce fleuve à cause de l’ensablement qui a créé beaucoup des ilots qui entravent la navigation dans celui-ci. L’on peut donc en déduire que le fleuve Chari est aussi en voie de disparition, mais ce sont les apports de sable qui en sont la cause principale.
Le maintien et sauvegarde des anciens lacs et fleuves passe par d’autres voies que l’acheminement d’eau
L’on se rend compte que l’homme, même s’il n’était à la base de la création des anciens lacs et fleuves, peut quand même les maintenir et les sauver. Ainsi, pour maintenir la Seine navigable à tout temps, les responsables en charge de sa gestion, d’après nos informations, utilisent des appareils pour scanner le fond du fleuve et le désensabler pour qu’il reste toujours navigable.
Non seulement l’homme peut sauver et maintenir des anciens lacs et fleuves, mais il peut en créer d’autres. Le prouve l’exemple du Lac Kariari à l’est du Tchad. Le gouvernement tchadien observait depuis longtemps que la pluie abondante qui tombait à l’est du pays n’est pas valorisée et se disperse par évaporation et infiltration. C’est ainsi que le gouvernement a pensé à un projet de valorisation des eaux de pluie en créant un lac artificiel qui les retient. Il s’agit du lac Kariari à l’est du Tchad. Pour se faire, le gouvernement a utilisé deux méthodes : construction de barrages et de digues. Depuis la création de ce lac, une biodiversité commence à se développer autour de celui-ci, et les réfugiés soudanais, installés non loin dudit lac exploitent ses eaux pour leurs différentes activités de survie.
Est-ce que le manque d’eau est à l’origine du rétrécissement du Lac-Tchad ?
A partir de ce bref rappel des certaines données et phénomènes observés çà et là sur le Lac-Tchad ci-dessus mentionnés, on peut se demander si la vraie raison qui menace le lac-Tchad et qui risque de le faire disparaitre totalement de la terre, compte tenu de son rétrécissement accéléré et observé ce dernier temps expliqué par certains experts par les phénomènes de la baisse du niveau de la pluviométrie, de l’évaporation et de l’infiltration, est le manque d’eau.
De notre point de vue, nous pensons que les trois éléments ci-dessus cités par les différents experts peuvent expliquer en partie le phénomène du rétrécissement du Lac-Tchad, mais, ne constituent pas la cause principale. Ces experts n’ont pas trop poussé leurs réflexions sur les vrais maux qui menacent le Lac-Tchad. Certes, les phénomènes de baisse de la pluviométrie, de l’évaporation et de l’infiltration observés peuvent en partie expliquer le manque d’eau dans le Lac-Tchad, mais, ne peuvent pas expliquer son rétrécissement, voire sa disparition.
Le Lac-Tchad souffre plutôt de position en cuvette.
Un phénomène géographique normal connu de tout le monde est que tout cours d’eau, pendant son parcours, transporte des sédiments et tout autre débris et matériaux qu’il rencontre et les jette dans son terminus, qu’il soit lac, mer, etc. Le fleuve Chari-Logone qui alimente à hauteur de 95% l’eau du Lac-Tchad à partir du sud du Tchad et la Centrafrique n’échappe pas à la règle et transporte beaucoup des sédiments. Ces derniers se déposent dans un premier temps sur le fleuve lui-même, et le reste est jeté dans le Lac-Tchad. Ceci crée un ensablement dans le Chari-Logone et dans le Lac-Tchad et enterrent graduellement ces ouvrages. La grande partie du nord du Tchad est occupée par le Sahara (le désert), et compte tenu de la désertification accélérée, le vent du nord apporte une grande quantité des sables dans le Lac-Tchad. Par conséquent, le bassin du Lac-Tchad est pris en tenaille entre le dépôt des sédiments venant du sud et les sables du nord. D’où, son ensablement, et son enterrement graduel au fil du temps. Si autour du Lac-Tchad il y a une baisse de la pluviométrie, au sud du Tchad et en Centrafrique par contre l’on mesure d’environ 1.500 mm des pluies par an qui pourraient être drainées par le Chari-Logone et jetés dans le Lac-Tchad. C’est pourquoi, le Lac-Tchad, qui a connu une profondeur d’environ 160 m pendant la période du Méga lac à Holocène (âge géologique), se retrouve aujourd’hui avec une profondeur qui varie entre zéro à dix (0.0 à 10) m. C’est-à-dire qu’une grande partie du Lac-Tchad est totalement enterrée et ne peut plus contenir d’eau (Figures-3a, 3b et 3c). Le reste suivra aussi, si les pays concernés n’apportent pas la bonne réponse au.
De notre point de vue, le projet Transaqua, qui consiste à transporter l’eau du fleuve Congo vers le Lac-Tchad, n’est pas la bonne réponse au rétrécissement. Il faut plutôt un projet de désensablement du fleuve Chari-Logone et du Lac-Tchad lui-même afin de permettre et faciliter le transport des eaux de pluies du sud du Tchad et de la Centrafrique vers le Lac-Tchad.
Si en l’état actuel de choses, le projet Transaqua voit le jour et que l’on arrive à pomper l’eau du fleuve Congo vers la Lac-Tchad, sans réalisation au préalable d’un projet de désensablement et d’enlèvement de sédiments et des débris, alors un risque existe de voir des villages et desvilles, après le rétrécissement dudit lac, totalement inondés, y compris la capitale Tchadienne N’Djamena.
En effet, pendant la période de crue, les n’djamenoises et n’djamenois constatent que les canaux construits par la mairie pour le drainage des eaux usées et des pluies vers le fleuve Chari permettent déjà le retour des eaux du fleuve vers la ville de N’Djamena et menacent sérieusement l’aéroport international Hassan Djamous, et d’autres quartiers de la capitale. Pendant cette même période, les populations riveraines du Lac-Tchad constatent aussi la disparition sous l’eau de certains villages et champs saisonniers.
Références bibliographiques
> www.cblt.org, consulté le 18 janvier 2018.
> www.solidariteetprogres.org, consulté le 20 janvier 2018.
> www.wikipedia.org, consulté le 22 janvier 2018.
> www.lawrencefreemanafricaandtheworld.com, consulté le 3 février 2018.
> https://en.wikipedia.org/w/index.php?title=Chari_River&oldid=821689662